Intervention de Florence Léger, étudiante en médecine à Lyon

APERÇU DE LA SITUATION DE LA CECITE DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

SITUATION ACTUELLE

On considère aujourd'hui qu'il existe environ 180 millions de personnes atteintes d'une incapacité visuelle majeure, dont plus de 45 millions de non-voyants. 80% des malvoyants vivent dans les Pays en Voie de Développement (PVD), c'est à dire que dans certains pays 2 à 8% de la population sont atteints d'une telle incapacité.
Les raisons d'une telle situation sont d'ordre économique bien sûr (pauvreté, manque d'éducation, manque de moyens de l'Etat pour favoriser l'accès aux soins) mais aussi d'ordre démographique avec l'augmentation de la population et notamment de son vieillissement et l'augmentation de l'urbanisation entraînant une insalubrité croissante et une couverture sanitaire précaire.

ETIOLOGIES PRINCIPALES DE LA CECITE DANS LES PVD

Si les causes de cécité sont très bien connues dans chaque pays, elles n'en restent pas moins très différentes dans les pays en voie de développement et dans les pays dits développés. Ainsi dans ces derniers, les causes principales de cécité sont liées au diabète, à la dégénérescence maculaire et à la cataracte alors dans les PVD les causes principales de cécité sont, par ordre de fréquence décroissante, liées à la cataracte, au glaucome, aux traumatismes oculaires, au trachome, à l'onchocercose et à la xérophtalmie.

La cataracte est due à une opacification du cristallin. Elle peut être congénitale c'est à dire présente dés la naissance notamment dans les cas de rubéole congénitale, mais la plupart du temps, il s'agit d'une cataracte liée au vieillissement, cette dernière étant par ailleurs favorisée par l'exposition solaire et les carences nutritionnelles. Le traitement de la cataracte est exclusivement chirurgical et consiste en la pose d'implants. Bien que le prix des implants reste assez abordable, le problème des PVD est lié aux lacunes dans la formation aux gestes chirurgicaux spécifiques. On estime ainsi à 20 millions le nombre de patients en attente d'une chirurgie, ce nombre étant en croissance constante avec le vieillissement de la population.

Le glaucome est lié à une augmentation de la pression intra oculaire entraînant des lésions du nerf optique et donc la cécité. Deux problèmes se posent dans le cas du glaucome: tout d'abord, il existe une difficulté diagnostique puisque celui-ci consiste en une mesure de la pression intra oculaire, assez délicate, d'où un retard diagnostique et une dépistage à un stade trop tardif pour permettre un traitement efficace. La deuxième difficulté est liée au traitement, qui, qu'il soit médical ou chirurgical, reste très onéreux.

Les traumatismes oculaires lors d'activité civiles ou militaires sont également très fréquents soit par lésions directe de l'œil, soit par infection d'une blessure ancienne. Un traitement le plus souvent chirurgical, n'est pas possible dans tous les cas. Le seul moyen d'action reste donc la prévention, notamment la prévention des risques agricoles ou liés aux explosifs.

Le trachome est dû à l'infection par le parasite Chlamydia trachomatis. Cette infection entraîne une inflammation de tout le système oculaire surtout en cas de contaminations répétées. Le traitement curatif consiste en une antibiothérapie ou une chirurgie, mais là encore, c'est la prévention qui reste le plus efficace, avec l'encouragement à une meilleure hygiène: lavage du visage, décontamination de l'eau, construction de latrines propres, éradication du parasite.

L'onchocercose ou cécité des rivières est endémique dans les zones humides à savoir l'Afrique occidentale et centrale. Elle se transmet par la piqûre d'une mouche infectée par le parasite. On observe alors des nodules cutanés (sorte de grosses "boules" indurées sous la peau) et une opacification de la cornée. Le traitement est à la fois individuel et collectif, individuel en administrant des antiparasitaires au sujet infesté et collectif en procédant à l'éradication du parasite. Le programme organisé par l'OMS pour lutter contre l'onchocercose est à ce jour assez avancé.

La xérophtalmie est liée à une carence en vitamine A, vitamine que l'on trouve dans le foie, les huiles, certains fruits mais aussi et surtout le lait maternel, ce qui explique que la xérophtalmie touche essentiellement les enfants lors du sevrage: on considère que plus de 500000 nouveaux cas apparaissent chaque année. Le traitement consiste en l'injection de vitamine A mais celle ci est difficilement disponible c'est pourquoi la principale action reste une action de prévention pour favoriser le changement des habitudes alimentaires.

Enfin, en plus de ces principales étiologies, il existe encore de nombreuses autres causes de cécité, on retiendra par exemple la lèpre, la rougeole, les cécités de naissance dont la gonococcie néonatale, les dégénérescence maculaire etc.

SITUATION PARTICULIERE DE L'AFRIQUE

En ce qui concerne la situation de la cécité en Afrique, il faut prendre en compte les très grandes différences entre les pays. Dans certaines régions, la situation reste très préoccupante liée à la pauvreté, l'insuffisance des infrastructures, les conflits, les catastrophes naturelles, la marginalisation de certains quartiers et l'effritement de la structure familiale autrefois très forte en Afrique et qui entraîne aujourd'hui une dégradation de la prise en charges des non-voyants. Cependant, il ne faut pas que ceci cache les progrès des autres pays où la situation s'améliore, notamment en ce qui concerne les cécités d'origine carentielles ou infectieuses.

En fait l'Afrique doit faire face non seulement au manque de ressources financières et matérielles mais aussi à la désaffection des patients des structures de soin: en effet, les barrières géographiques, économiques et culturelles sont encore très fortes: la confiance dans le traitement traditionnel prédomine alors qu'un déplacement pour bénéficier d'un traitement "à l'occidentale" est souvent jugé long et onéreux pour un résultat douteux. Des actions de prévention de d'information semblent donc plus que nécessaires.

La perspective pour l'avenir n'est cependant pas aussi sombre que l'on pourrait l'imaginer. Avec l'organisation de formations universitaires plus courtes, le nombre d'ophtalmologistes augmente même si cette augmentation reste encore lente et concentrée pour l'instant dans les zones urbaines et non rurales. Grâce à l'aide des ONG, le nombre de centres de santé augmente même si ceux -ci sont de performance variable. De même, on assiste à une augmentation du nombre de centres d'ateliers de fabrication de lunettes à des prix modiques. Le seul point noir reste l'organisation des actions de prévention, encore très freinées par le peu de volonté politique.

CONCLUSION

Les problèmes de santé en Afrique sont tels que la cécité est souvent reléguée au dernier rang des priorités en matière de santé publique. Pourtant, il existe des solutions simples apportant des résultats efficaces, et si la prévention se heurte encore à des barrières économiques, géographiques et surtout culturelles et politiques, elle reste cependant l'un des axes majeurs de la lutte contre la cécité en Afrique.